jeudi 28 décembre 2017

PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Camping

Lorsque j’étais petit, nous avions une grande tente. Si nous ne partions pas en Irlande dans ma famille maternelle, nous allions nous installer dans un camping quelque part en France. Ce n’était pas de l’itinérance, cependant nous changions chaque année de destination. Nous profitions des alentours et faisions de nombreuses visites. Au camping nous jouions avec les autres enfants, calmement ou en faisant des bêtises comme savent en faire les enfants.
Plus tard nous avons eu une caravane. Elle n’a pas tellement modifié l’approche de nos vacances, mais amélioré notre confort. De plus, elle était installée à l’année dans un camping proche de notre ville et nous pouvions y aller le week-end. Nous retrouvions du calme, de la verdure, des amis,… Même le chat, profitait de ces escapades.
Le camping était pour mes parents, j’imagine, un moyen abordable d’offrir des vacances agréables et constructives à la famille. Ce n’était pas une finalité. Cependant, je n’ai pas le souvenir de conditions spartiates, enfant on s’adapte très facilement.

J’ai également été scout. Louveteau en fait, en raison de mon âge. De France précisément. Les enfants attachaient une grande importance à cette distinction des scouts d’Europe qui eux avaient des uniformes impeccables et allaient assidûment à la messe. Nous, nous portions un peu le foulard et nos habits étaient dépareillés. Nous n’en avions pas conscience mais il s’agissait déjà d’une différence de catégories sociales.
Nous allions parfois à la messe. Vu le déroulement, nos chefs n’ont pas insisté. Par respect pour les autres et peut être même pour Dieu !? Nous faisons plutôt des activités, du sport,… toutes sortes de choses qui peuvent occuper des gamins qu’il y ait écrit sur une étiquette « scoutisme » ou autre chose.
Nous faisons surtout du camping. Pas de parents, seulement nos chefs qui nous accordaient une certaine confiance et donc une liberté qui nous paraissait immense. Nous dormions par six dans de grandes tentes canadiennes en coton. Nous allions couper du bois pour faire du feu et la cuisine. Nous installions des tables à feu, des toilettes,… Nous faisions toutes sortes d’activités en commun. Pour se construire, il faut aussi braver les interdits. Nous avions notre premier Opinel, le n°8. Il servait à tout et aussi beaucoup à jouer à la « pichenette ». Nous fumions des tiges de sureau autour du feu. J’ai le souvenir de petites fugues nocturnes et de simulacres de combats à la hache,…
Je ne sais pas si nous étions en conformité avec le concept initial de Baden-Powell. Qu’importe.

Plus tard ont commencé les voyages et les grandes randonnées avec les amis. Le bivouac se situait entre l’expérimentation, le défi, l’accomplissement et la galère. Le luxe était une cabane des Pyrénées avec un feu de bois. Dans un autre genre : dormir dans des igloos que nous avions construits sur le plateau de l’Aubrac sous l’œil perplexe de nos huskys. Différents endroits, différentes saisons, différentes conditions,… toujours des copains, que des bons souvenirs.

Puis est venu le temps des voyages lointains, des expéditions. Camper à Crozet, dans les quarantièmes rugissants, et se demander si un éléphant de mer en rut va venir écraser la tente. Ou la tenir de l’intérieur toute la nuit pour qu’elle ne s’envole pas. Profiter au Groenland Ouest , sous forme d’insomnies, du soleil de minuit à travers la toile. De l’autre côté, à l’Est, avoir troqué la tente pour une cabane mais aussi un fusil porté à chaque sortie en raison des ours polaires,…

Dans ces conditions, le bivouac requiert une certaine maîtrise technique. L’inconfort peut rapidement s’aggraver et être la source ou contribuer à l’accident. Et les connaissances acquises dans un milieu ne s’appliquent pas dans un autre. Jean-Louis Etienne recommande une petite brosse pour enlever la neige avant de rentrer dans la tente. Ainsi elle ne fond pas à l’intérieur sur les affaires avant de regeler pendant la nuit. Ca n’a l’air de rien une petite brosse, mais il faut essayer en bivouac hivernal, c’est très pratique. Dans le désert, pour le sable, avec un peu de snobisme pourquoi pas. En revanche, en Amazonie, je doute de l’intérêt.
Pour les informations techniques, entre les manuels des scouts et les guides de survie, la littérature ne manque pas.

Dormir à l’extérieur peut être une obligation dans le cadre d’une expédition scientifique. Pour moi, ce n’est cependant pas une contrainte. Le ressenti est celui d’un voyage nature ou d’un trekking. Le bivouac fait partie du projet.
On ne s’immerge pas dans la nature vierge en sortant de 10 heures à 17 heures avant de retourner à l’hôtel. Il y a une notion d’engagement : partir loin et longtemps. En Tasmanie, nous avons marché dix jours dans le South-West National Park et croisé cinq personnes. Pour le bivouac, il faut trouver le bon endroit ou camper : accessible si on est en kayak, proche d’un point d’eau, abrité du vent, avec un sol ni humide ni agressif,… et tout ça avant la nuit. Après qu’elle soit tombée, l’obscurité et l’isolement ne font que rapprocher de la nature. Un cri de chouette, un craquement de branche, le vent sur la toile de tente, les ombres mouvantes avec le clair de lune,... autant de petits détails qui aiguisent les sens et éveillent l’imagination.


On se blottit dans son duvet comme une grosse larve dans son cocon et on s’endort après une bonne journée d’effort.


Il peut y avoir des belles surpirses. J’ai connu, toujours en Tasmanie, un wombat qui creusait sous le matelas, un opossum venu voler le chocolat dans un sac à dos sous l’abside. Au Québec les moustiques ne sont en revanche absolument pas une surprise et on s’organise pour éviter la visite d’un ours noir.
Avec l’expérience on chasse le poids et le superflu. La maîtrise s’approche finalement du dénuement.


On l’aura compris, camper en pleine nature avec le strict nécessaire est un pur plaisir. Ma madeleine de Proust est un nescafé au lait concentré sucré dans la douce lumière du petit matin.

Choisir de camper au cours d’un voyage à vélo signifie se charger beaucoup plus mais de gagner en autonomie.


En France, le camping sauvage n’est pas possible partout, voir même interdit. Aussi au cours de nos périples, nous optons souvent pour des campings aménagés. C’est un compromis pour les enfants qui y trouvent du confort et se font des copains avec lesquels jouer. Je n’écrirai pas ici un guide des campings français mais simplement un petit retour d’expérience.
Premier constat, c’est souvent exorbitant : plusieurs dizaines d’euros pour quelques mètres carrés et une douche.
Autre constat, le film Camping n’est pas une comédie mais un documentaire. Au camping, nous croisons des gens avec des objectifs et une logistique bien différentes. Une femme effondrée se plaint auprès de son mari car elle a oublié son fer à friser. Un autre n’a probablement aucun penchant pour le nomadisme vu les armoires normandes installées dans le auvent de sa caravane et les pots de fleurs autour. Certains comparent les gadgets technologiques de leur camping-car. Les adolescents paradent. Les uns et les autres déplacent lessive ou vaisselle... Mais il règne une ambiance bon enfant. Les enfants courent dans tous les sens, les adultes souriants et détendus, boivent l’apéritif et jouent à la pétanque,… certains reviennent chaque année depuis parfois des décennies et y retrouvent leurs copains. Finalement ce camping là est peut être un peu « prolo » mais sympathique aussi.

En septembre, les enfants ont retrouvé leur école et les parents leur quotidien. Par la suite, nous avons surtout croisé des retraités, majoritairement anglais et hollandais, équipés de caravanes ou de camping cars monstrueux et flambant neufs. Les plus gros font la longueur d’un bus et se déploient à l’arrêt. Leur coût est celui de plusieurs tours du monde à vélo. A l’arrivée, un camping-car se gare facilement. Mais il existe aussi des caravanes motorisées qui se dirigent avec une télécommande comme un jouet. Comme je l’écrivais, nous recherchons au camping le dénuement. Eux, cherchent à reproduire leur confort domestique. Pourquoi pas. Dans certaines conditions difficiles, il faut avouer que nous pourrions même les envier. La suite me dérange un peu plus. La priorité de ces campeurs est d’installer une antenne parabolique avant de s’enfermer devant une chaine de télévision de leur pays. L’ambiance bon enfant a disparu depuis longtemps. Cette fois c’est la découverte et la rencontre qui ne semblent pas les intéresser. Nous avons même connu un camping tenu par des hollandais avec des indications rarement traduites en français et dans lequel nous avons ressenti une certaine animosité. Pensez-donc : des français à vélo !
Non, ils n’étaient pas tous comme ça. Nous en avons aussi rencontrés des sympathiques, ouverts et heureux de visiter la France.

En Amérique du Sud nous n’avons pas, pour l’instant, eu souvent l’occasion de camper. Dans les parcs, comme au pied du volcan Cotopaxi, les sites sont superbes.


Mais ils sont parfois accessibles en véhicule motorisé. Aussi, on peut y retrouver des gens qui y viennent avec tout : barbecue, nourriture et boisson à profusion, musique,… Et comme décrit dans une autre pensée, certains ne se soucient pas de remporter leurs déchets. Une approche différente. Le parc semble être perçu comme une attraction consommable plutôt que comme une aire protégée accessible sous certaines conditions et avec respect.



Dans les campings proches des villes on y retrouve surtout des routards de tout âge, nationalité, projet, parcours,… Les discussions qui éveillent des idées et remotivent vont bon train.


Le matériel de camping est aussi une sécurité si nous ne trouvons pas de point de chute en soirée. Mais à chaque fois nous avons bénéficié de l’hospitalité et des solutions sud américaines et la tente est restée dans son sac.



L’autonomie et l’aventure à vélo avec des enfants impliquent du poids supplémentaire. Nous pourrions choisir d’abandonner le matériel de camping et opter pour une autre organisation et une autre philosophie. Ou pousser le raisonnement et voyager dans un camping-car de baroudeur comme nous pouvons en croiser.


Mais pour le moment nous continuons à pédaler et planter des sardines !

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