vendredi 26 janvier 2018

PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Un succès inattendu

Nous n’envisagions pas de médiatiser notre voyage. Ce n’est ni une première, ni un record, ni un défi sportif. Nous ne voyageons pas « pour » ou « contre quelque chose ». Notre voyage est un projet familial.
Aussi, nous n’avons pas particulièrement cherché de partenaires financiers. Nous ne nous sentions pas nécessairement légitimes et nous ne voulions pas nous imposer une contrainte. Cependant, le magasin Décathlon de Betton nous a spontanément proposé une remise sans contre partie. Le magazine Carnets d’Aventures nous a offert un abonnement. Et nous avons été un des lauréats du concours de la chaine de vélocistes Cyclable. Contraints à modifier notre date de départ, nous avons décliné ce dernier partenariat.
A l’origine, Célia a créé Le blog Les Amérikuntz surtout pour informer nos proches de nos péripéties.

Nous n’avons donc pas de plan de communication. J’ai simplement apporté un certain soin aux détails esthétiques. Le matériel et les mallettes, ainsi que mes vêtements techniques, sont assortis aux vélos. Cyclotouristes certes, mais cyclotouristes chics.

Mais notre équipage ne passe pas inaperçu. Les gens nous regardent, nous sourient, nous saluent, nous questionnent,…


Lorsqu’une personne vient nous interroger au cours d’une pause ou après nous avoir interpellé lorsque nous roulions, le fond et la forme de la conversation sont très variables selon le contexte, sa curiosité ou sa discrétion.
Notre arrivée crée parfois un petit évènement et un attroupement se forme. La situation peut avoir différents caractères.
C’est agaçant, comme souvent en France, lorsque nous devenons une simple attraction pour les badauds. Il n’y a plus de place à la discrétion. Certains font des commentaires : « regarde il est en train de... ». Il faut malgré nous assurer l’animation et essayer de satisfaire des attentes parfois élevées : «  Vous allez passer à  la télé !? ».
C’est déconcertant si l’on sort une carte et que les locaux décident de nous conseiller sur l’itinéraire. Surtout si visiblement ils voient pour la première fois la carte de leur région, la tiennent à l’envers, disent n’avoir jamais quitté leur secteur et donnent des informations contradictoires. J’écoute avec une attention un peu hypocrite en vérifiant du coin de l’œil que Célia prépare à l’écart la navigation avec le GPS.
C’est enrichissant, comme par exemple en Équateur, lorsque le curé du village nous offrait l’hospitalité dans le presbytère et que les paroissiens sortis de la messe s’intéressaient avec bienveillance à ces pèlerins atypiques.
C’est inquiétant, lorsque des policiers péruviens, trainant une mauvaise réputation de corruption, nous arrêtent sur le bord de la route. Alors qu’ils souhaitent simplement discuter et nous prendre en photo.


Ou encore, toujours au Pérou, lorsqu’à l’entrée d’un village perdu, sous la pluie, après une journée harassante et une chute sur une piste inondée un cercle se forme avec des regards insistants et des questions qui pleuvent. Comment cette situation va t’elle évoluer ? Finalement en plaisanteries, photos et encouragements.


Les voitures et les camions klaxonnent pour prévenir de leur passage mais aussi pour saluer. S’y ajoutent appels de phares, pouces en l’air, commentaires et questions depuis la vitre baissée,…
Ces attentions sont charmantes mais ils serait préférable d’éviter de nous frôler à toute allure ou de nous envoyer des gaz d’échappements en changeant de vitesse dans les côtes.

Souvent, les motards s’arrêtent ou fond demi-tour pour nous parler. Nous avons en commun le voyage. Ils sont plus rapides que nous mais restent à l'extérieur, plus vulnérables et proches de l’environnement qu’en voiture. Nous avons donc aussi un peu en commun de voyager en deux roues. La comparaison s’arrête là car ils ont un moteur et nous des jambes. Un motard belge, parti du Pérou et croisé en Équateur, nous avait dit que la frontière serait facile mais qu’il faisait un peu froid. C’était en fait une piste défoncée et très raide, tantôt sous un soleil de plomb, tantôt sous une pluie torrentielle, infranchissable pour nous et que nous avons du nous résoudre à passer en Pick-up.
Les motards semblent avoir une certaine empathie pour nous et une de leurs premières questions est de savoir si nous avons besoin d’aide. Eux aussi doivent connaître les soucis mécaniques et les contraintes matérielles. Souvent, ils nous disent aussi avec un air de culpabilité qu’ils ne seraient pas capable de faire comme nous. Je ne l’avoue pas, mais moi je pense parfois à passer le permis moto et acheter une machine de rallye raid.


Durant l’été passé, sur une grande ligne droite de la côte Atlantique, une file de motards en Harley Davidson nous double. Une jeune femme d’une trentaine d’années conduit la dernière moto et ralentit à la hauteur de notre vélo. Elle porte des bottes, un pantalon et un gilet en cuir. Elle a la peau bronzée et un tatouage discret. Elle a un simple casque et ses cheveux volent au vent. Une beauté sauvage. Après avoir longuement inspecté notre tandem, elle plante son regard noir dans celui de Fanch. Si il n’était pas un petit garçon innocent, il serait tombé du vélo, foudroyé. Elle décroche alors un large sourire et lance avec un accent ensoleillé « ‘Té ! c’est la classe ! ». La créature visse la poignée et s’enfuie dans un récital mécanique.

Si certains demandent si ils peuvent nous photographier, généralement on nous immortalise sans nous demander notre avis. On déclenche depuis le bord de la route, en passant en voiture ou même après nous avoir doublés, s’être arrêtés et avoir attendu notre passage. Parfois c’est un mini reportage avec interview improvisé et filmé.
Nous sommes loin des crépitements de flash du tapis rouge de Cannes mais nous ne comptons plus ces photos. Généralement, sauf peut-être dans les côtes infernales, nous faisons un signe amical.



Comme je l’ai déjà écrit, le vélo permet un contact direct, réciproque. Après le difficile passage d’un col andin avec ce moyen de transport, notre arrivée dans un village ne nous semble pas envahissante. Nous nous sentons légitimes de saluer cordialement les gens et nous y trouvons du plaisir. De l’autre côté, il y a probablement de la curiosité. Certainement aussi de la gentillesse et de la politesse. Est-ce que ces gens salueraient un groupe de touristes ou un bus qui passe en trombe ?

L’attention portée, et en particulier les photos, nous surprenaient un peu au début. Maintenant nous y sommes presque habitués. Cela ne nous dérange pas particulièrement, sauf peut être lorsqu’on nous photographie sans nous adresser la parole.
Nous rencontrons de notre côté d’autres cyclotouristes au parcours étonnant. Quotidiennement, la difficulté nous impose une certaine humilité. Aussi, nous relativisons ce succès inattendu.


Pourtant, lorsque nous sommes épuisés et découragés, ces attentions nous réconfortent. Elle nous font lever la tête du guidon et percevoir la réalité au travers du regard des autres. Nous faisons de notre rêve une formidable aventure.









jeudi 25 janvier 2018

Si si, ça va le faire ...

Chimbote 25/01/18

J'ai l'impression que cela fait des siècles que je n'ai pas écrit sur le blog ! Et pour cause, nous avons été pris dans une avalanche de pentes, de pluie, de boue, de soleil, de sourires et de kilomètres arrachés à la route !!!

Quelques vues de Cajamarca : 







Chaque arrivée dans une grande ville est accompagnée par un repas gourmand qui nous change de notre traditionnel "pollo con arroz ".


Hé, une manif version péruvienne, Gregory, ramène ta poire ici,  y'a de la place pour la CGT !



Le couvre-chef local, impressionnant !







Depuis Cajamarca, nous réfléchissons à notre itinéraire. Plusieurs options s'offrent à nous pour rejoindre Huaraz, haut-lieu de l'alpinisme andin. Soit nous passons par les routes secondaires et traversons la sierra, soit nous rejoignons la côte et la panaméricaine. Bon, le choix est cornélien puisque soit c'est un saut dans l'inconnu avec très certainement des dénivelés à faire pâlir le meilleur grimpeur du tour de France (ok, j'exagère mais vu les regards ahuris des gens à qui nous indiquons notre itinéraire, ça cache quand même quelque chose de louche), soit c'est le passage par Trujillo, grosse ville péruvienne sur la côte, que l'on nous conseille d'éviter surtout la nuit car plusieurs cyclistes ont été pillés à l'entrée de la ville (Y prendrait aussi les gosses ?!!!). Comme nous sommes des parents responsables et que nous avions plutôt envisagé de passer par la Sierra (on aime relever les défis !), on opte pour la "ruta segundaria !"

Bon ben dans le jeu des 7 familles, on dirait "mauvaise pioche" ! Enfin, pas vraiment (le spectacle est plus que fabuleux !) mais quand même (on a jamais autant poussé que sur ces kilomètres).

Avant notre départ de Cajamarca, nous profitons des préparatifs du carnaval nocturne avec défilé au son des fanfares, costumes emplumés et "Reinas" (= "miss") des différents quartiers ou villages alentours qui saluent le public depuis l'arrière du pick-up !






Notre prochaine destination : "Huamachuco", la ville des mines d'or ! Il faudra d'abord avaler les dénivelés et partir plus tôt le matin car les pluies torrentielles nous rattrapent dès le début d'après-midi. Nous rentabilisons à mort nos investissements "vestimentaires" pour les enfants !

La sierra nous offre le meilleur et le pire dans une même journée. Nous atteignons les limites de nos capacités physiques alors en contrepartie les paysages sont tout simplement somptueux et l'accueil jamais aussi sympathique. Les enfants font fureur ici, tous veulent les toucher ou se faire prendre en photos avec eux. Bon, va falloir retravailler l'humilité en rentrant surtout pour la princesse !

Après Cajabamba, nous nous enfonçons toujours plus loin dans la cordillère et nous traversons des villages andins au charme fou. Ici, le costume traditionnel est de mise, le tout surmonté d'un immense chapeau aux larges bords. Depuis que nous subissons les assauts de la saison pluvieuse, nous comprenons encore mieux son utilité. 





Un échantillon des maisons utilisées comme affiche de la dernière campagne présidentielle. Imaginez ce que ça donnerait en France (remarque on saurait pour qui votent nos voisins !) 










Quelques passages délicats, la terre tremble souvent par ici ! 






Heureusement, la nature est bien faite ! Elle nous offre un moment de détente inespéré au moment le plus inattendu. Des sources d'eaux chaudes. Un premier bain en mode jacuzzi puis plongeon dans la piscine pour un bouillon de quelques heures ! J'en soupire encore de bonheur !
  



Cuisine maison, direct dans la chambre :



Une spéciale dédicace pour notre grand loulou !



Notre futur véhicule :












Et un pneu crevé ! 
 On aime !




Enfin, à l'arraché, nous atteignons Huamachuco. A l'entrée de la ville, nous sommes stoppés par la police qui veut absolument nous prendre en photo. Au risque de paraître très prétentieuse (vous pouvez pas me chambrer, j'suis au Pérou !), je ne compte plus les photos qui sont prises de nous : depuis une voiture, une moto ou un bus; du balcon ou de l'entrée; volées ou gentiment demandées... peu importe ! Et toujours une interpellation "Hola gringos, de donde vienen ? ..."
Nous discutons un moment avec la maréchaussée lorsque nous voyons débouler un autre cyclo, français, c'est Baptiste ! Des gens qu'il a croisé lui ont parlé d'une famille de gringos ... c'est nous ! Puis s'arrête une moto, à son bord deux hommes qui se présentent et travaillent pour l'office de tourisme de Huamachuco. C'est tout simplement que Mako nous invite à dormir chez lui et à y rester le temps que l'on souhaite. Il nous dit qu'il accueille de nombreux voyageurs mais une famille, c'est une première ! Il nous mettra une chambre à disposition et nous laissera la clé. Encore, une belle rencontre "pépite", dans la sierra de l'or, c'était une évidence ! Une nouvelle fois, nous sommes les heureux bénéficiaires d'une hospitalité et d'une générosité qui nous remue de l'intérieur. Nous sommes invités à venir partager un goûter avec toute sa famille autour d'une table garnie de nourritures et d'infusions. Merci à toi, Mako et à toute ta famille. 


Baptiste nous accompagne durant ces quelques moments de repos. Il voyage depuis maintenant deux ans et demi et repart en Vendée (on lui a raconté la blague du zoo !!!) depuis Buenos Aires dans trois mois. Nous reprenons la route avec lui pour s'attaquer à la partie la plus difficile depuis le début de notre voyage. Il s'agira de relier Huaraz en empruntant les routes secondaires qui traversent la cordillère blanche. On n'est pas rendu !




Nous avons le sentiment d'être vraiment au bout du monde. Les quelques hameaux traversés nous laissent le sentiment d'une vie rude, attachée à cultiver quelques lambeaux de terre, à coup de charrue tirée par des taureaux (pas des bœufs !). La vie est rude mais le sourire toujours chaleureux. Nous profitons d'une étable isolée et abandonnée pour y passer la nuit. Les quelques véhicules que nous croisons, s'arrêtent intrigués pour savoir si nous avons besoin de quelques choses. En bon français, nous pensions que nous allions nous faire virer. Encore une leçon d'humanité. 







Baptise part devant, il roule tellement plus vite que nous. Les choses se corsent, la route devient piste, les dénivelés insurmontables. Nous n'aurons jamais autant poussé nos vélos. Et toujours cette pluie diluvienne qui s'abat sur nous à partir de 14 heures. Après plusieurs journées à suer sang et eau, nous sommes arrêtés dans notre course par des travaux. La route s'est effondrée avec les pluies. Il faut patienter. Nous mettons à profit cet intermède pour évoquer notre recherche de transport pour avancer jusqu'à la prochaine ville "Pallasca", celle que l'on aperçoit sur l'autre versant de la montagne, loin, très loin après une montée infernale. Alors le chauffeur du poids lourd, arrêté à côté de nous, nous propose de nous embarquer, il va jusque là-bas. Trop contents d'avoir trouvé une solution nous épargnant plus de deux jours de pédalage éprouvant, ce n'est qu'après que nous prenons conscience de la dangerosité du dit-transport. Il faut toute l'attention et l'expérience du chauffeur pour aborder cette route en lacets très étroits sur lesquels il faut s'y reprendre à deux fois pour faire passer camion et remorque en entier. Nous n'aurons jamais autant travaillé nos muscles fessiers que durant cet épisode. Greg arrachera même la poignée de la portière tellement il tirait dessus ! C'est vraiment soulagé que nous arrivons à Pallasca. Notre porte-monnaie crie famine et on nous a informé de l'existence d'un distributeur ici. Eh ben non ! Raté, distributeur inexistant ! Le prochain se trouve soit à Huaraz, notre hypothétique destination qui doit bien se trouver au moins à 7 jours de vélo en mode Amerikuntz, soit à Chimbote qui se trouve sur la côte à environs 5 jours de vélo. En plus, il pleut grrrr !





































 



Nous tournons notre dilemme dans tous les sens pour arriver à la conclusion que, sans argent et déjà assez éprouvés, seule la solution d'un retour en combi vers Chimbote apparaît raisonnable. Et c'est reparti pour un tour infernal dans la sierra pour rejoindre l'océan pacifique. Et re-serrage de fesse ! La descente est toujours aussi vertigineuse mais le paysage change. Nous passons d'une montagne verte et fleurie à un environnement abrupte, minéral et aride. Aucune végétation, des enchevêtrements de roches qui s'amoncelle ici et là avant de venir s'entasser dans le rio un peu plus bas. Spectacle grandiose et hostile.

 



Enfin, nous rejoignons une route plus hospitalière (pour tout vous avouer, il semblerait que les locaux andins supportent assez difficilement les transports en lacets ! Nous étions cernés par des personnes en proie au mal des transport, le bonheur quoi !). Nous sommes soulagés d'arriver enfin à Chimbote ! Tiens, ça sent le poisson ! Vite un hôtel et zou, sous la couette ! Demain est un autre jour !