dimanche 26 août 2018

PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Epiphyte

Darwin propose en 1859 dans son livre «  De l’origine des espèces » que, parmi une population, seuls survivent ceux possédant une petite différence pouvant être avantageuse. On comprend l’intérêt d’avoir des griffes et une mâchoire plus puissantes pour une lionne.  Et aussi de courir plus vite pour une gazelle.
C’est la sélection naturelle.

Et ces survivants transmettront à leur descendance la petite amélioration acquise. Les Lois de Mendel apportent au 19ème siècle les premières explications fondamentales. D’autres découvertes suivront. Les caractéristiques d’un individu et de son espèce sont portées par l’ADN découvert en 1953 par Watson et Crick. Une petite variation d’ADN peut entrainer une différence chez un individu. Si cette différence est à son avantage, il aura plus de chances de survie. Il transmettra et amplifiera cette variation du génome avec sa descendance.
C’est l’évolution.

Les espèces se modifient, apparaissent,… mais disparaissent aussi. Ces différenciations sont souvent représentées sous la forme d’un arbre aux branches parallèles. Les ramifications sont infinies. Et chaque extrémité, chaque feuille, serait une espèce.
C’est la biodiversité.

La nature vierge est souvent vue comme parfaite et équilibrée. Mais depuis l’apparition de la vie il y a plus de 3 milliards d’années, la compétition a été redoutable. Et elle n’est pas finie. Chaque espèce trouve sa place pour son habitat, son support, son alimentation,… C’est la règle de la chaise musicale : celui qui ne trouve pas sa place a perdu.
C’est une niche écologique.

Une espèce, animale ou végétale, survit donc en s’adaptant. Cette survie est due au hasard : la bonne variation du petit morceau d’ADN qui a donné un avantage. On y oppose le finalisme : Pourquoi as-tu de grandes oreilles mère-grand ? C’est pour mieux t’entendre mon enfant ! Ce principe impliquerait une volonté. Peut-être divine. Mais elle est fausse. L’oiseau n’a pas des ailes « pour » voler. C’est le hasard des mutations génétiques qui l’a rendu plus léger, lui a donné des plumes et des ailes. Grâce à cela il a pu voler. Trouver plus facilement sa nourriture. Fuir ses prédateurs. Et survivre.

Le hasard des variations, la pression de sélection,… le temps.

Le monde végétal invente aussi. Les plantes épiphytes poussent sur d’autres végétaux. Ce ne sont pas des parasites, elles ne les spolient pas. Elles s’en servent comme d’un simple support. Elles trouvent l’eau et les minéraux dans l’air ou dans le micro habitat créé à leur base.
La dissémination est un challenge pour les plantes qui sont immobiles. Certaines graines d’épiphytes sont emportées par le vent et se fixeront sur le support qu’elles rencontreront. Peut-être.
Dans la forêt amazonienne, les épiphytes se fixent au hasard sur d’autres plantes. Comme autant de petites touches aléatoires de beauté gratuite.




Mais la graine peut se poser ailleurs. Certains fils électriques sont surchargés. Ce n’est probablement pas l’habitat idéal pour la plante qui s’y développe.
Et c’est certainement un fléau pour les électriciens.


Puisque l’on parle de l’homme.
En voyage, on rencontre les autres. Pourquoi ces gens sont nés ici et moi ailleurs. Pourquoi des destinées si différentes ?



Il est écrit dans l’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». Sera ajouté dans la déclaration universelle de 1948 la notion de dignité.
Dans sa chanson « Né quelque part » (1988), Maxime Le Forestier interroge sur cette égalité.
L’évolution de l’espèce humaine est liée au hasard. Mais la destinée des individus aussi. Comme cette graine portée par le vent qui se posera au creux protecteur d’un arbre ou sur un fil.
Je ne remets pas en question l’article 1er des Droits de l’Homme. Mais le voyage montre malheureusement que nous ne partons pas tous avec les mêmes chances dans la vie.


Les bouddhistes pensent qu’avec un bon Karma, l’esprit se réincarnera dans une vie meilleure.
Un avenir de consolation ?
Mais la métempsychose n’est pas prouvée scientifiquement.
Et le bouddhisme est une philosophie d’un autre continent.

La nature ne ferait pas toujours bien les choses ?
Et pourtant. Des petites modifications de molécules d’ADN survenues et accumulées pendant plus de 3 milliards d’années.


L’évolution a produit toutes sortes d’œuvres fantastiques.
Certaines nous ont été présentées en Amérique du Sud.





lundi 20 août 2018


PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Mes enfants

Avec maman nous avions décidé de faire un grand voyage.
Nous voulions le faire avec vous.
Nous voulions le faire ensemble.

Nos choix de vie étaient déjà de nous consacrer à notre famille. Mais les obligations et la routine laissent peu de temps. A peine levés, il faut vous presser pour prendre le petit déjeuner, se laver, s’habiller,…
Avant de vous déposer à l’école.
Avant de se faire happer chacun par son travail. Un monde que vous ne connaissez pas. Un monde où vous n’êtes pas.
Le soir il faut encore vous presser pour faire les devoirs, diner, se laver les dents,… avant d’aller se coucher.
Parce que ça recommence demain.
En semaine, nous passons moins de trois heure par jour ensemble. Bien sûr, il y a les week-ends et les vacances. Mais vous grandissez si vite !

Alors nous voulions faire une pause. Nous voulions prendre le temps de prendre du temps avec vous. Un peu comme dans la chanson de Renaud « A m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi,… » (Mistral gagnant, 1985).



Que faire pendant cette pause ? Nous voulions partir en voyage. Notre idée n’était pas de prendre une année sabbatique sous les cocotiers. Nous voulions vous faire découvrir le monde. En regardant dans la même direction, nous voulions vous transmettre nos valeurs.



Pour être proche de vous, pour prendre le temps de regarder et pour être au contact des autres, nous avons choisi de voyager à vélo.

Notre pause allait être plus longue que dans la chanson. Un an. Mais le monde est vaste. Alors à vélo, il fallait choisir un bout. Ce serait l’Amérique du Sud.

Voilà mes enfants comment, par amour pour vous, nous avons décidé avec maman de vous promener à vélo, pendant un an, sur un autre continent et dans des conditions spartiates. Je sais, ça peut être difficile à comprendre.


On pourra toujours lire des livres sur les voyages avec des enfants. Sans y trouver l’essentiel.
On pourra toujours penser qu’un grand voyage avec des enfants est imprudent et difficile. C’est discutable.
On pourra toujours dire que c’est une formidable expérience. Quels en sont la méthodologie et surtout les résultats ?
On pourra toujours conclure que c’est le meilleur des enseignements. Mais de quoi vous souviendrez vous ?




On me demande souvent : et les enfants ? Comment résumer une telle aventure ? Vous avez ri et pleuré. Vous vous êtes émerveillés et ennuyés. Vous avez aimé et détesté. Vous avez surtout été formidablement courageux.





Le proverbe, dit que les voyages forment la jeunesse. J’aimerais pouvoir affirmer que ce voyage vous a apporté beaucoup, qu’il a aidé à vous construire. Dois-je vous adresser mes enfants un message aussi solennel que Rudyard Kipling dans son poème « Tu seras un homme mon fils ».
Non.
Plus simplement. Par amour pour vous et pour votre maman.

Renaud chante aussi « le temps est assassin et emporte avec lui les rires des enfants ».
Nous, nous avons arrêté le temps. Nous avons ri. Ce que nous avons vécu, rien ne l’emportera.





vendredi 17 août 2018


PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Hyperconnexion et déconnexion

Avant, les livres, guides et agences de voyages fournissaient des informations générales. L’accès à une information spécifique ou récente demandait un effort de recherche plus important. Je me souviens d’avoir fouiné dans les bibliothèques, visité des ambassades, questionné des voyageurs,… Cette relative restriction d’information pouvait contraindre les voyageurs dans des sentiers battus. Pourtant persuadé de ma bonne affaire, je me suis souvent retrouvé dans de petits restaurants sur un autre continent... à côté d’autres français qui avaient eux aussi le Guide du Routard posé sur leur table. Désormais, c’est une évidence, internet est une mine d’informations pour la préparation et la réalisation d’un voyage. On trouve des renseignements actualisés, spécifiques, des témoignages,... Ils permettent de mener à bien des projets et ouvrent le champ des possibles.

Au cours d’un voyage à vélo, on se projette dans un environnement. Aussi, j’aime l’usage de la carte papier et de la boussole qui forcent à garder un lien avec celui-ci. Il faut s’orienter, identifier et mémoriser le paysage,… L’itinéraire doit devenir intuitif, il faut se renseigner auprès des habitants, parfois même apprendre à lire les traces. C’est une aventure réelle dont on prendra pleinement conscience si on se perd !
Un smartphone doté d’un GPS permet au cyclovoyageur de ne pas se perdre. C’est déjà beaucoup, mais il offre bien plus. Les différentes applications, souvent gratuites, permettent de  préparer et suivre finement son parcours (orientation, distances, dénivelés,…), de trouver différentes facilités (hôtels, restaurant, banques,…) avec des commentaires, d’être en lien avec d’autres voyageurs sur le même parcours,… Le smartphone est l’avatar virtuel du voyageur. Ce dernier est un point sur une carte électronique, une flèche à suivre. Il voit où il est, où il va, ce qu’il va trouver,…Ce n’est pourtant pas un monde virtuel. Il est basé sur des informations réelles et réactualisées.

Lorsqu’il aborda l’Amérique le 12 octobre 1492 après une navigation engagée, Christophe Colomb pensait avoir trouvé une nouvelle route et atteint les Indes Orientales. Force est de reconnaître qu’avec les moyens modernes, il est plus facile de voyager.

Le cyclovoyageur doit savoir lever le nez de son précieux smartphone au cas où il tomberait en panne.

La plupart des hôtels ont le Wifi, même si il ne fonctionne pas toujours bien. C’est apparemment une demande prioritaire des clients. Certains restaurants, cafés et magasins proposent également ce service. Sur certaines places publiques il y a un Wifi disponible. Le Wifi est gratuit ou déjà inclus dans le prix de la prestation. Il est également possible dans les différents pays traversés d’avoir un abonnement téléphonique nécessitant quelques démarches et un coût. Il y a généralement du réseau, même parfois en dehors des villes.
Un premier constat est que nous sommes largement entourés d’ondes. Quel pourrait en être l’effet sur notre santé ? Dans son Avis de mars 2018, sur l« Hypersensibilité électromagnétique ou intolérance environnementale idiopathique attribuée aux champs électromagnétiques », l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) souligne le besoin d’approfondir les connaissances scientifiques. L’existence de ces troubles et de l’éventuel lien de causalité ne sont pas prouvés. Mais c’est une autre question.

En basculant entre Wifi et 3G, il est donc très souvent possible de se connecter.
Les voyageurs sont désormais hyperconnectés.
Ils ont un accès quasi permanent à l’information.

Mais cette hyperconnexion est aussi et surtout utilisée pour la communication.

Avant internet, il n’y a pas si longtemps que ça, on pouvait utiliser un téléphone. Fixe bien sûr. Il fallait en trouver un pour pouvoir appeler depuis l’étranger. Il fallait compter avec le décalage horaire, les mauvaises communications et le prix élevé. Sauf en cas de force majeure, Les baroudeurs n’appelaient pas.
On écrivait des cartes postales. C’était surtout pour le plaisir d’envoyer quelque chose depuis là-bas que pour réellement informer. Les cartes pouvaient en effet arriver à destination après le retour de voyage de l’expéditeur.

Maintenant, on communique de partout et en permanence. C’est tellement facile d’envoyer des nouvelles qu’il paraît anormal de ne pas le faire. Par précaution, on prépare une réponse automatique avant de s’engager dans un lieu où la connexion sera difficile. L’expression « Pas de nouvelles, bonne nouvelle » est obsolète.
On ne se contente pas d’un petit message rassurant. On envoie des longs messages. On joint des photos, des films,…
Le carnet de voyage est devenu un blog. Chacun le rédige et le complète selon son goût. Avant, le carnet de voyage pouvait être un dérivé du journal intime. Il restait personnel. Le blog est ouvert au monde.

Et il y a les réseaux sociaux.

Au cours de notre voyage j’ai ouvert un compte Facebook. Il devait permettre d’envoyer plus facilement et rapidement de l’information. Il devait être plus facile à actualiser que le blog et le site internet tout en faisant le lien vers ceux-ci. Il devait permettre d’élargir les contacts.
Il faut reconnaître que, pour ces points, Facebook joue pleinement son rôle de réseau social.
Avec Facebook j’ai aussi découvert un monde. Bientôt deux milliards d’utilisateurs et donc d’amis potentiels.
Un monde aussi vaste que les gens sont différents.  Mais les centres d’intérêts des uns ne sont pas forcément ceux des autres… Et les publications ne sont pas toujours intéressantes... Malheureusement nous n’avons pas forcément, ou plus, quelque chose à nous dire…
Un monde pas toujours idéal : informations erronées propagées par des spécialistes autoproclamés, dévastation de l’orthographe et de la grammaire, agressivité et violence verbales,…
Un monde pourtant merveilleux. On s’y met en valeur à loisir. Il est intéressant, après les avoir rencontrés sur place, de voir l’image virtuelle que beaucoup de voyageurs se donnent.
En tant qu’utilisateur, ces critiques me concernent sans doute également.
Les activités permises par Facebook sont plus variées que celles d’un forum : maintien du lien avec ses proches, reprise de contacts, créations de liens virtuels, passe-temps, informations,… Le nombre de connexions quotidiennes et le temps passé peuvent être élevés. Ainsi, l’addiction à Facebook est devenue un sujet de recherche à part entière. On peut citer par exemple l’étude de Ryan et ses collègues « The uses and abuses of Facebook : A review of Facebook addiction » (Journal of Behavioral Addictions, 2014). Les motivations conscientes et inconscientes des utilisateurs ne semblent ni refléter ni favoriser un parfait épanouissement personnel. Quelle est la limite entre utilisation et addiction ? Quelles sont les satisfactions apportées par le lien social qui déclenchent cette addiction ? Les chercheurs tentent de répondre à ces questions.

En attendant leurs réponses, j’étais tout de même surpris de voir de jeunes backpackers critiquer la société de consommation avant de s’entasser pendant des heures avec leurs tablettes ou ordinateurs au plus près du Wifi.
J’avais envie de leur demander s’ils étaient venus jusqu’ici pour retrouver le même monde virtuel que depuis chez eux.


J’ai hiverné à Crozet, dans les Terres Australes et Antarctiques Françaises, de décembre 1998 à février 2000. Quinze mois à seize personnes. A cette époque, les moyens de communication étaient limités. Il y avait un téléphone satellite mais le prix élevé était rédhibitoire. Nous avions le droit d’envoyer et de recevoir des telex. Les limites étaient de un message hebdomadaire de 70 mots avec un destinataire unique. Les telex étaient lus par les techniciens radio à l’envoi et à la réception entre la métropole et le district et inversement. Il n’y avait pas d’Internet. Le Marion Dufresne II, navire ravitailleur, passait de 3 à 4 fois entre novembre et mars puis une fois en juillet. C’était l’occasion de recevoir du courrier. Et surtout d’en envoyer. L’écriture était un plaisir particulier. La plume glissait sur le papier. Des timbres et tampons très recherchés des philatélistes étaient apposés. Finalement, la pile de lettres était confiée au bateau. Ces messages étaient souvent lus des mois après avoir été écrits.
Nous avions choisi d’hiverner, être coupés du monde faisait partie de l’aventure.

Un voyage à vélo permet ce détachement proche de la méditation. Je resterais quand même prudent sur l’exercice vu la dangerosité des routes !

J’ai déjà évoqué cette notion d’engagement : partir loin et longtemps. Couper les amarres prenait tout son sens à l’ère de la navigation à voile. Aujourd’hui, nous devrions couper les moyens de communication.

Certains arrivent à faire plusieurs choses en même temps. Mais quand même.
Je ne pense pas que consulter ses mails en réunion soit très professionnel.
Je ne pense pas qu’être fixé sur son smartphone en bonne compagnie soit très courtois.
Certes, partir en voyage ne signifie pas nécessairement partir en pèlerinage ou en ermitage. Cependant, n’est-ce pas souvent un but, un constat ou au moins une affirmation que de « faire une coupure ». Au-delà de ce repos de l’esprit, le voyageur pourrait espérer plus. Rencontrer, découvrir, s’imprégner,… Cela demande un minimum d’attention. Voyager en pleine conscience. Sans perturbations.

L’hyperconnexion organise le voyage. La déconnexion le réalise.

vendredi 13 juillet 2018

PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Au boulot

Cela pourrait paraître paradoxal, mais pendant mon congé sabbatique j’ai eu une petite pensée pour le travail.

En regardant celui des autres.

Les métiers qui ne sont pas sots.
J’ai déjà évoqué l’employé qui mettait en sacs plastiques les courses des clients au bout du tapis roulant de la caisse enregistreuse. Dans ce cas, ce n’est pas le métier qui est discutable, mais l’usage du plastique.
A La Paz, capitale de la Bolivie, des employés déguisés en zèbres gèrent la circulation aux passages piétons. Le pelage de l’animal rappelle les motifs au sol. Les cyclovoyageurs et les piétons savent que les chauffeurs sud américains ne respectent absolument pas ces passages. Si il le faut, ils n’hésitent pas à accélérer et klaxonner pour les forcer. Mais devant les zèbres, ils s’arrêtent. Ce travail protège des vies. Ces déguisements un peu ridicules amusent ils les chauffeurs ou cachent ils des policiers armés ?


Les vieux métiers.
On s’attend à voir ces images d’Epinal au cours d’un voyage lointain. Dans la Sierra, les vieux métiers sont nombreux et imposés par le manque de moyens. Ils font partie de la culture. Ainsi, les tisseuses avec leur matériel, leurs couleurs et leurs gestes sont un plaisir pour les yeux. La confection du tissu est longue et fastidieuse. Comment font elles pour lutter contre les vêtements de grandes marques importés à bas prix depuis les pays émergents et vendus bien plus chers aux touristes ?
Nous avons appris que dans la Sierra les gens filent et tissent pour eux mais ne vendent pas. Leur production est insuffisante. Pour les vêtements comme pour la nourriture, ils vivent en autarcie. Les tisseuses que l’on observe travaillent en ville, souvent en des lieux touristiques. La matière première peut être de très bonne qualité, en particulier la laine de vigogne. Leurs productions sont magnifiques et un coup d’œil jeté aux étiquettes montre qu’elles sont destinées aux touristes. On nous a rapporté les paroles d’une femme accompagnée d’un lama enfilant son costume traditionnel : « je me déguise » avant de se faire prendre en photo par les touristes. Les tisseuses citadines feraient elles de la mise en scène également ? Le tissage est un métier traditionnel qui s’est adapté à la demande des touristes. Cela permet de le conserver et d’assurer un meilleur revenu aux tisseuses.


Les métiers disparus chez nous.
On trouve des cireurs de chaussures un peu partout. Les sud américains se font cirer les chaussures avec le plus grand détachement. Est-ce un moment de détente ou seulement un soucis d’élégance ? Vu l’activité, ce métier doit permettre quelques gains. Lorsque ce sont des enfants, les questions concernant leur travail se posent. En particulier celles concernant leur éducation. Vont-ils à l’école ? « Cirer les pompes » de quelqu’un est abaissant chez nous. Je n’ai pas eu le sentiment que ce métier soit avilissant en Amérique du Sud, il fait partie des services courants. Tout est une question de respect de l’autre. Certains ne l’ont pas. J’ai vu des touristes hilares se faire cirer les chaussures. Cela semblait être pour elles une nouvelle attraction proposée par le pays. Elles donnaient leurs ordres au cireur comme si il était un clown. Tout cela en anglais, langue qu’elles pensaient probablement être enseignée en Langue vivante I dans la formation de cireur.


Les métiers méconnus.
N’étant pas de la partie, il y a des métiers que l’on ne connaît pas ou mal. En voyage, on a le temps de les observer. On se rend mieux compte alors de leur pénibilité.


Les métiers connus.
En connaissant un domaine d’activité, on apprécie mieux la comparaison. Etant vétérinaire, j’ai pu échanger avec des confrères, des ingénieurs agronomes et des éleveurs. La situation est très différente d’un pays à l’autre. Actuellement en difficulté économique, l’Argentine produit et exporte cependant une viande de qualité et possède une filière laitière de qualité. Ailleurs, l’agriculture est souvent vivrière. Dans le désert, dans la Sierra ou sur l’Altiplano il y a parfois encore moins. En traversant ces contrées on ne comprend pas comment les habitants peuvent vivre. La mécanisation est quasi inexistante. Presque tout est fait à la main, les travaux des champs comme la traite. Les rares outils sont séculaires. Nous n’avons vu souvent que des machettes et des sortes de petites bêches bonnes à tout faire, la chaquitaclla. Des gamins mènent et attellent non pas des bœufs mais des taureaux. Les bêtes de somme doivent aussi servir à la reproduction.






Avant notre départ, j’étais au sein de mon entreprise délégué du personnel et membre du Comité d’Hygiène, de sécurité et des Conditions de Travail. J’ai écouté et essayé de comprendre les autres salariés. J’ai œuvré à la prévention des risques. J’ai également donné des formations professionnelles pour d’autres entreprises sur des risques spécifiques que sont les zoonoses, maladies transmissibles entre l'homme et les animaux. Sensibilisé à ces problématiques, j’étais souvent effrayé en Amérique du Sud par les risques pris par les travailleurs. Manque de connaissances et de moyens. Nous avons vu des ouvriers construire un pont au dessus d’un torrent péruvien. Ils respectaient visiblement les consignes de sécurité. A la base du pont était apposée une plaque commémorant la mort des membres de l’équipe précédente partis avec le pont effondré dans les flots tumultueux. Nous avons appris par la suite que cette équipe, elle, n’avait pas d’équipement de sécurité.




Nous avons échangé avec des ouvriers agricoles, mais aussi des étudiants, de jeunes médecins, avocats,… L’accès à l’emploi, les conditions de travail, les niveaux de salaire,… le travail est dur en Amérique du Sud. Entre autres informations, au Pérou la semaine de travail est de 48 heures et 6 jours (France Diplomatie, www.diplomatie.gouv.fr).


Dans On lache rien, HK et Les Saltimbanks chantent « Ils nous parlaient d’égalité. Et comme des cons on les a crus » (album Citoyen du monde, 2011). Ainsi, en Bolivie, le Parlement a approuvé le 02 juillet 2014 le travail des enfants dans le nouveau code de l’enfant et de l’adolescent (La Bolivie autorise le travail des enfants dès 10 ans. Chrystelle Barbier. Le Monde, 05/07/2014). Face au tollé de différentes organisations, le gouvernement d’Evo Morales invoque la situation de leur pays pour justifier cette décision. C’est vrai, là-bas la situation n’est pas la même. Les enfants des pauvres ont besoin de travailler pour vivre. Ils ne pourront pas aller à l’école. Le taux d’analphabétisation restera élevé. Ils n’auront pas accès aux emplois les plus rémunérateurs. Ils pourront toujours chercher le bouton de l’ascenseur social. Il n’y a qu’un escalier délabré.





lundi 9 juillet 2018

PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Une vie de chien

La période et l’origine de la domestication des chiens est un vieux débat pour les généticiens et plus encore pour les archéologues. Les dernières études génétiques datent l’apparition du chien de 9 000 à 34 000 ans et sa localisation très probablement dans l’Est de l’Asie (How much is that in dog years ? The advent of canine population genomics. Larson & Bradley, 2014).
La suite de l’histoire de cet animal est intimement liée à celle de l’homme. La diversité des cultures humaines, des fonctions que l’on attend du chien et les efforts de sélection expliquent la multiplicité des races.
En Amérique du Sud, l’introduction du chien est plus tardive et ses conditions de vie y sont très variables.
Les cyclotouristes croisent sur ce continent de très nombreux chiens. Dans les campagnes, certains semblent être rattachés à une personne, une maison ou une ferme. En ville, nous apprendrons qu’une pratique courante est de mettre son chien dans la rue le matin et de, peut être, le récupérer le soir. Mais dans les faits et vu d’un vélo, ils semblent tous être errants.
Ces vagabonds se regroupent parfois en petite meute. Ils sont nombreux sur les décharges, à éventrer les poubelles, à se nourrir comme ils peuvent. Bien sûr, la reproduction n’est absolument pas contrôlée. Ils sont parfois blessés, malades, souvent maigres. On ne peut pas parler de maltraitance mais ces animaux sont livrés à eux mêmes, quelque part entre l’animal sauvage et la bête sommairement domestiquée.




Des efforts de contrôle sont réalisés comme des campagnes de vaccination ou de stérilisation avec des camions équipés pour des soins vétérinaires basiques. Des programmes de sensibilisation sont menés pour un peu plus de civisme. Mais nous sommes encore loin du cadre sanitaire et réglementaire de l’Europe.



Inversement, le chien peut avoir le statut de mascota. Plus qu’un animal de compagnie, cette « mascotte » a des conditions de vie bien différentes. C’est souvent un chien de race petite ou naine acheté en magasin. Il est peigné, habillé, porté, chouchouté,… Parfois de l’anthropomorphisme à outrance. Parfois un objet de consommation, un must have pour les jeunes tendances.





Certes bien suivis, le débat sur l’acharnement thérapeutique pourrait toutefois prendre sa place.

 
Dans ces deux extrêmes, ils font peine à voir. Certaines situations nous font croire qu’ils ont peut être conscience de leur condition et qu’ils essayent de l’oublier dans des paradis artificiels.



Entre les deux, il y a des chiens qui mènent une vie plus adaptée. Celle d’un chien avec ses caractères et ses besoins. Dans la rue, les gens sont plutôt bienveillants et les animaux facilement décomplexés.



Parfois nous traversons à vélo des villages dans l’indifférence canine la plus totale. Si le chien est le meilleur ami de l’homme, il peut souvent devenir l’ennemi juré du cyclovoyageur. A l’arrivée d’un vélo, si un premier chien décide d’aboyer, l’information est transmise et amplifiée. Une petite meute peut se former et partir à nos trousses. Nous pouvons les distancer dans les descentes, mais ils ont bien sûr l’avantage dans les côtes. Certains peuvent mordre ou même percuter les vélos.


Nous redoutons ces embuscades, d’autant plus que la rage est présente au Pérou et en Bolivie. Le virus peut être transmis par la morsure d’un chien porteur. Après la déclaration des premiers symptômes, il n’existe aucun traitement efficace. Et les malades condamnés meurent dans de grandes souffrances.
Il existe un courant de pensée contre la vaccination basé sur des informations erronées (Antivaccins : des mensonges dans un débat légitime. Adrien Sénécat. Le Monde, 24/07/2017). Dans nos pays occidentaux certains n’ont pas conscience des risques : la gestion sanitaire, médicale et vétérinaire, a permis d’éradiquer, ou de gérer, les grandes maladies infectieuses.
Dans le cas de la rage, le seul moyen de prévention, et dans certains cas de traitement d’urgence, est la vaccination. A pied cette fois, ma femme et notre fille ont été mordues au Pérou. Mais nous avions été vaccinés avant le départ. Les chiens du village, dont le chien mordeur, avait été vaccinés au cours d’une campagne obligatoire. Pour nous, cette vaccination avait certes un coût mais aucun effet secondaire. Malgré l’inquiétude, aujourd’hui tout le monde va bien.
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la rage fait plus de 59 000 morts par an à travers le monde. Dans les zones d’endémie, tous n’ont pas accès à la vaccination. L’invention de Louis Pasteur (1885) semble donc salutaire. Pourtant les conditions de celle-ci paraitraient inacceptables pour nos comités d’éthiques actuels (Inner Workings : 1885, the first rabies vaccinations in humans. Rappuoli, 2014).