vendredi 13 juillet 2018

PETITES PENSÉES EN VOYAGE

Au boulot

Cela pourrait paraître paradoxal, mais pendant mon congé sabbatique j’ai eu une petite pensée pour le travail.

En regardant celui des autres.

Les métiers qui ne sont pas sots.
J’ai déjà évoqué l’employé qui mettait en sacs plastiques les courses des clients au bout du tapis roulant de la caisse enregistreuse. Dans ce cas, ce n’est pas le métier qui est discutable, mais l’usage du plastique.
A La Paz, capitale de la Bolivie, des employés déguisés en zèbres gèrent la circulation aux passages piétons. Le pelage de l’animal rappelle les motifs au sol. Les cyclovoyageurs et les piétons savent que les chauffeurs sud américains ne respectent absolument pas ces passages. Si il le faut, ils n’hésitent pas à accélérer et klaxonner pour les forcer. Mais devant les zèbres, ils s’arrêtent. Ce travail protège des vies. Ces déguisements un peu ridicules amusent ils les chauffeurs ou cachent ils des policiers armés ?


Les vieux métiers.
On s’attend à voir ces images d’Epinal au cours d’un voyage lointain. Dans la Sierra, les vieux métiers sont nombreux et imposés par le manque de moyens. Ils font partie de la culture. Ainsi, les tisseuses avec leur matériel, leurs couleurs et leurs gestes sont un plaisir pour les yeux. La confection du tissu est longue et fastidieuse. Comment font elles pour lutter contre les vêtements de grandes marques importés à bas prix depuis les pays émergents et vendus bien plus chers aux touristes ?
Nous avons appris que dans la Sierra les gens filent et tissent pour eux mais ne vendent pas. Leur production est insuffisante. Pour les vêtements comme pour la nourriture, ils vivent en autarcie. Les tisseuses que l’on observe travaillent en ville, souvent en des lieux touristiques. La matière première peut être de très bonne qualité, en particulier la laine de vigogne. Leurs productions sont magnifiques et un coup d’œil jeté aux étiquettes montre qu’elles sont destinées aux touristes. On nous a rapporté les paroles d’une femme accompagnée d’un lama enfilant son costume traditionnel : « je me déguise » avant de se faire prendre en photo par les touristes. Les tisseuses citadines feraient elles de la mise en scène également ? Le tissage est un métier traditionnel qui s’est adapté à la demande des touristes. Cela permet de le conserver et d’assurer un meilleur revenu aux tisseuses.


Les métiers disparus chez nous.
On trouve des cireurs de chaussures un peu partout. Les sud américains se font cirer les chaussures avec le plus grand détachement. Est-ce un moment de détente ou seulement un soucis d’élégance ? Vu l’activité, ce métier doit permettre quelques gains. Lorsque ce sont des enfants, les questions concernant leur travail se posent. En particulier celles concernant leur éducation. Vont-ils à l’école ? « Cirer les pompes » de quelqu’un est abaissant chez nous. Je n’ai pas eu le sentiment que ce métier soit avilissant en Amérique du Sud, il fait partie des services courants. Tout est une question de respect de l’autre. Certains ne l’ont pas. J’ai vu des touristes hilares se faire cirer les chaussures. Cela semblait être pour elles une nouvelle attraction proposée par le pays. Elles donnaient leurs ordres au cireur comme si il était un clown. Tout cela en anglais, langue qu’elles pensaient probablement être enseignée en Langue vivante I dans la formation de cireur.


Les métiers méconnus.
N’étant pas de la partie, il y a des métiers que l’on ne connaît pas ou mal. En voyage, on a le temps de les observer. On se rend mieux compte alors de leur pénibilité.


Les métiers connus.
En connaissant un domaine d’activité, on apprécie mieux la comparaison. Etant vétérinaire, j’ai pu échanger avec des confrères, des ingénieurs agronomes et des éleveurs. La situation est très différente d’un pays à l’autre. Actuellement en difficulté économique, l’Argentine produit et exporte cependant une viande de qualité et possède une filière laitière de qualité. Ailleurs, l’agriculture est souvent vivrière. Dans le désert, dans la Sierra ou sur l’Altiplano il y a parfois encore moins. En traversant ces contrées on ne comprend pas comment les habitants peuvent vivre. La mécanisation est quasi inexistante. Presque tout est fait à la main, les travaux des champs comme la traite. Les rares outils sont séculaires. Nous n’avons vu souvent que des machettes et des sortes de petites bêches bonnes à tout faire, la chaquitaclla. Des gamins mènent et attellent non pas des bœufs mais des taureaux. Les bêtes de somme doivent aussi servir à la reproduction.






Avant notre départ, j’étais au sein de mon entreprise délégué du personnel et membre du Comité d’Hygiène, de sécurité et des Conditions de Travail. J’ai écouté et essayé de comprendre les autres salariés. J’ai œuvré à la prévention des risques. J’ai également donné des formations professionnelles pour d’autres entreprises sur des risques spécifiques que sont les zoonoses, maladies transmissibles entre l'homme et les animaux. Sensibilisé à ces problématiques, j’étais souvent effrayé en Amérique du Sud par les risques pris par les travailleurs. Manque de connaissances et de moyens. Nous avons vu des ouvriers construire un pont au dessus d’un torrent péruvien. Ils respectaient visiblement les consignes de sécurité. A la base du pont était apposée une plaque commémorant la mort des membres de l’équipe précédente partis avec le pont effondré dans les flots tumultueux. Nous avons appris par la suite que cette équipe, elle, n’avait pas d’équipement de sécurité.




Nous avons échangé avec des ouvriers agricoles, mais aussi des étudiants, de jeunes médecins, avocats,… L’accès à l’emploi, les conditions de travail, les niveaux de salaire,… le travail est dur en Amérique du Sud. Entre autres informations, au Pérou la semaine de travail est de 48 heures et 6 jours (France Diplomatie, www.diplomatie.gouv.fr).


Dans On lache rien, HK et Les Saltimbanks chantent « Ils nous parlaient d’égalité. Et comme des cons on les a crus » (album Citoyen du monde, 2011). Ainsi, en Bolivie, le Parlement a approuvé le 02 juillet 2014 le travail des enfants dans le nouveau code de l’enfant et de l’adolescent (La Bolivie autorise le travail des enfants dès 10 ans. Chrystelle Barbier. Le Monde, 05/07/2014). Face au tollé de différentes organisations, le gouvernement d’Evo Morales invoque la situation de leur pays pour justifier cette décision. C’est vrai, là-bas la situation n’est pas la même. Les enfants des pauvres ont besoin de travailler pour vivre. Ils ne pourront pas aller à l’école. Le taux d’analphabétisation restera élevé. Ils n’auront pas accès aux emplois les plus rémunérateurs. Ils pourront toujours chercher le bouton de l’ascenseur social. Il n’y a qu’un escalier délabré.





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