samedi 9 décembre 2017

PETITES PENSÉES EN VOYAGE

L'hospitalité

On se rappelle tous les jours de sa vie l’hôte qui vous a montré de la bienveillance.
Homère, L’Odyssée, XV, 54 – IXes. av. J.-C.

Dans le cadre d’un voyage organisé, il suffit de se laisser porter. En autonomie, il faut s’adapter, trouver les solutions, savoir distinguer le renseignement désintéressé de l’escroquerie bien rodée,… Dès la sortie de l’avion tout est nouveau, ou presque. Puis, des situations nouvelles se présentent régulièrement. La prospection et la vigilance doivent donc être permanentes. A l’inverse, avec le temps la connaissance du pays et la maîtrise de la langue s’améliorent. Et, souvent, on pourra compter sur l’hospitalité de l’autre.

Voici quelques histoires. Il y a d’abord eu les amis en France, puis la famille de Marco et Maria-Belen en Equateur qu’ils ont sollicitée pour nous accueillir. Mais aussi les rencontres de la route.

Isabelle et Laurent, Sophie et Bruno, Servane et Gilles, Marie et Julien,… autant d’amis à visiter que d’étapes réconfortantes et utiles.

Nous sommes arrivés en famille, soit deux adultes et deux enfants de quatre et huit ans, à Quito, Equateur, Amérique du Sud. Nous avions une centaine de kilos de bagages à répartir méticuleusement entre un grand nombre de sacoches. Nous devions déballer et remonter les deux tandems. L’aéroport est éloigné de la ville. La circulation est périlleuse. L’altitude, se fait ressentir. Et nous n’avions rien réservé.
Mais Juan nous attendait à l’aéroport. Juan, le père de Marco, a 82 ans. Nous l’avons rencontré à notre mariage alors qu’il était en voyage en France. Nous parlions à peine espagnol et il y avait beaucoup de monde. Nous le connaissions donc à peine. Mais il est venu. Il y avait même une camionnette pour embarquer les vélos. Juan nous a ouvert sa maison, nous a accompagnés pour visiter Quito, la campagne,… Il voulait tout payer. Apparemment c’est le devoir du plus ancien. Nous devions donc trouver des tactiques pour payer. Nous avons passé plus d’une semaine chez lui. Il nous a accompagné pour notre grand départ sur la Panaméricaine et prend régulièrement des nouvelles.


Marco et Maria-Belen, en France pour leur thèse, nous ont prêté leur appartement dans l’immeuble Twin Tower. Pas à New York évidement, mais dans le centre économique de Quito, près du parc Carolina. Nous avons ainsi passé une semaine confortable dans le quartier chic de la capitale.


Nous sommes arrivés à vélo à Latacunga. Maria-Belen nous avait mis en contact avec son père Adolfo et son épouse Maria-Helena. Ayant un jour d’avance, nous avions d’abord pris une chambre à l’hôtel. Adolfo est venu à la première heure le lendemain. Pas pour nous chercher. Il a d’abord souhaité que je l’accompagne chez lui, avec sa voiture, pour voir si la chambre qu’il nous proposait était à notre convenance ! La maison est accueillante et il y avait en fait deux chambres et une salle de bain que nous pouvions utiliser comme nous le souhaitions. Qu’importe ces précisions plutôt agréables, j’imagine assez mal que l’on puisse refuser une porte ouverte.
Nous avons été présentés à la famille, Miguel, Marthita et Maria-José. Ils nous ont également accueillis dans leur maison, ils nous ont préparé de bons repas, ils nous ont accompagnés pour de nombreuses visites,…
Nous avons aussi été présentés à des amis. Après presque une semaine passée à chez eux, Adolfo a pris la parole pour dire combien ils avaient été heureux de nous accueillir et qu’ils nous souhaitaient un bon voyage. Après nous avoir ouvert la route le lendemain, il nous dira qu’il avait la gorge serrée de nous voir partir.


 
A Tena nous avons été reçus par Katherine, la nièce de Marco, et son compagnon Jonathan. Etant médecin depuis moins de un an, Katherine travaille ici pour l’État. Jonathan, jeune avocat, travaille à Quito. Ils ont un petit studio et ont poussé les meubles pour nous installer tous les quatre. Ces jeunes qui démarrent dans la vie nous ont accueillis à bras ouvert.


Il y a aussi les rencontres imprévues.

Il nous arrive de demander l’hospitalité aux pompiers. Les casernes se trouvent dans des petites villes où il y a des hôtels. Mais les pompiers, en fonction de leurs moyens, nous mettent à disposition dortoir, douche, cuisine,… Pour ceux que cela intéresse, il faut savoir que le pompier de service la nuit aime travailler et n’est pas discret !


Entre Puyo et Macas, il n’y a rien, ou pas grand-chose. En tout cas pour se loger. Alors dans une petite cantina la propriétaire nous a proposé de monter la tente dans la salle.


Quelque part entre Cuenca et Oña, après une journée harassante et près de la nuit tombante, nous étions au pied d’une côte interminable. Nous avions de quoi camper et de quoi préparer un repas simple. Mais plus d’eau. Nous nous sommes arrêtés devant une quinta isolée dans la campagne. Le propriétaire est sorti par hasard et s’est intéressé à nous. Dix minutes plus tard nous avions de l’eau, un local avec toilettes où dormir, les vélos à l’abri,...

A Macas, sur le point de trouver un hôtel, une jeune femme avec un bébé nous a interpellés. En réponse à sa question, effectivement nous « connaissions » Sebastian, mais simplement par un contact WhatsApp de la veille. Qu’importe, il fallait la suivre. Nous avons rencontré Sebastian et sa Happy Family qui voyagent à vélo depuis presque deux ans.
On nous a présenté Gustavo, enseignant-chercheur en neurobiologie d’Argentine à la retraite. Il nous a ouvert la porte de sa maison. Cela ne s’ invente pas, Maxime Le Forestier a du venir ici :

C'est une maison bleue
Adossée à la colline (au sommet plutôt)
On y vient à pied (et aussi à vélo)
On ne frappe pas
Ceux qui vivent là ont jeté la clé
(en tout cas les portes ne sont jamais fermées)
On se retrouve ensemble
Après des années de route
Et on vient s'asseoir
Autour du repas
Tout le monde est là
A cinq heures du soir
Vous connaissez la suite.

On nous a emmenés pour des visites, présentés des voyageurs au long cours. Des gens défilaient sans arrêt, nous préparions les repas en commun,… comme dans la chanson.
Cela ressemble à une sorte d’escale pour les voyageurs qui, pour certains, n’arrivent pas à repartir. Le climat, la ville, une certaine nonchalance, les histoire et les projets des uns et des autres,... J’en suis arrivé à imaginer des films : « Le piège de Macas » ou « Le triangle de Macas ».
Il n’y a pas de monde parfait cependant. Après cinq jours, nous reprenions les vélos.




Des histoires il y en aura probablement encore d’autres.

La première fois que j’ai laissé la clef de la maison à un cyclo voyageur rencontré et accueilli la veille, mes sentiments étaient partagés. Ce n’était pas un parfait inconnu puisque nous avions eu des contacts par le réseau Warmshower des cyclo voyageurs. Mais cela reste virtuel. Après réflexion, un cambriolage à vélo paraissait peu probable et assez minable. On pouvait toujours imaginer le pire, mais l’essentiel était que la famille aille bien. Le reste est matériel ; j’allais au travail serein. Tristan, qui faisait le tour d’Europe à vélo, n’avait rien dit. J’ai découvert plus tard sur internet une vidéo ou il montrait cette clef et le mot l’accompagnant disant à quel point il était touché par cette marque de confiance. Les voyageurs à qui nous avons laissé la maison par la suite nous l’ont bien rendu aussi : dessins d’enfants, ménage,...
A notre tour, des gens qui nous connaissaient à peine nous ont confié leur maison.

La famille de Marco et de Maria-Belen, ainsi que les gens rencontrés sur la route, ne nous connaissaient pas et n’avaient a priori rien à attendre de nous. On peut imaginer que pour les premiers, certains auraient pu refuser ou simplement, se sentant obligés, nous proposer un carré de carrelage. Il en a été tout autrement. Tous nous ont très bien accueillis, si ce n’est comme des princes.
L’hospitalité est-elle perçue ici comme un devoir ? Est-elle élevée au rang d’art ?

Une des raison d’avoir choisi de voyager à vélo est la proximité. Le contact est immédiat. Etant une famille, nous ne sommes pas perçus comme une menace. Nous pensons percevoir chez les autres un mélange d’admiration, de compassion, d’envie et parfois d’incompréhension. Les proportions variant selon les gens rencontrés. L’inconfort et la vulnérabilité que nous nous sommes indirectement imposés conduisent peut être les autres à nous proposer spontanément de l’aide. Avec la présence des enfants et l’attention que leur portent les équatoriens, cela est même certain.

Un équatorien catholique pratiquant m’a laissé sous-entendre qu’il était aussi motivé par sa foi.

Et puis cela doit intriguer, et peut être même intéresser, d’écouter nos histoires. Alors plutôt que la télévision, pourquoi ne pas nous avoir dans le salon ?

Bien sûr, l’hospitalité représente une économie et souvent une aide précieuse dans les situations difficiles. La première motivation doit cependant rester la rencontre, pas le profit. Nous nous attachons à acheter des aliments, à aider et même faire la cuisine. Beaucoup de petits malins débrouillards se vantent de voyager pour rien grâce à l’hospitalité des gens. Connaissant les revenus occidentaux et ceux des pays traversés, cette démarche abusive me parait peu honorable. Un voyageur, même a petit budget, a les moyens de payer un billet d’avion, des affaires et de financer une période d’inactivité plus ou moins longue. Si il n’est pas simplement en congés payés ! Situation que de nombreux hôtes ne pourront jamais s’offrir. Et ce sont pourtant souvent eux les plus généreux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire