Voyage au bout de la
nuit… en bus
Nous avons fait le
choix de faire une petite boucle en dehors de l’itinéraire
principal en bus plutôt qu’à vélo. En effet, un petit crochet
sur la carte peut facilement représenter plusieurs jours, voir
plusieurs semaines, d’efforts. Il faut donc soit se priver de
certaines visites, soit s’accorder une petite tricherie. Le
deuxième choix est facilité lorsque nous pouvons laisser les vélos
en lieu sûr pour quelques jours.
Une journée passée
dans un bus peut paraître être une journée gâchée, de plus il
faut pouvoir occuper les enfants. Enfin, nous cherchons à réduire
le coût de l’hébergement. Pour remédier à tout cela, un trajet
de nuit nous semblait donc être un choix judicieux.
Plusieurs compagnies
peuvent proposer la même destination mais avec une qualité de
service variable. Nous avons peu d’éléments sur ce point même à
travers notre guide ou internet. Nous nous basons donc sur les
horaires, l’itinéraire emprunté et les éventuelles
correspondances.
Pour ce qui est des
horaires, il est évident qu’un bus de nuit qui part à trois
heures de l’après-midi et arrive à trois heures du matin depuis
et vers des terminaux excentrés offre peu d’avantages.
L’itinéraire le
plus long en distance n’est pas forcément le plus long en temps.
Couper les Andes directement impose des routes de montagne lentes,
inconfortables et potentiellement dangereuses.
Les correspondances
peuvent n’être qu’un simple nom sur le billet. Mais lorsqu’on
vous annonce que tel terminal est dans un quartier dangereux, surtout
à cette heure là, surtout avec des enfants,… cela fait un peu
hésiter.
Les prix sont très
abordables, par exemple dix à quatorze dollars par personne pour
quatre cents kilomètres. Ayant choisi la tricherie, nous persévérons
dans la logique et nous nous offrons les billets qui paraissent les
meilleurs. Il faut relativiser. Comme nous allons le voir, il ne
s’agit pas d’une « classe affaire ».
Nous partons donc en
bus de Latacunga pour passer quelques jours à Puerto Lopez sur la
côte Pacifique !
Pour dormir, les
sièges sont inclinables. Assez pour écrabouiller son voisin de
derrière mais pas assez pour s’allonger. Il y a des accoudoirs
bien fermes qui calent très inconfortablement dans les virages la
partie du corps qui s’appuie dessus selon la position prise.
Si il y a de la
place, des gens s’allongent sur deux sièges avec les jambes en
travers du couloir. Ou alors tout simplement par terre.
Il y a un écran
vidéo presque comme dans les avions. Presque. Ici tout le monde a le
même, un grand à l’avant du bus. On ne choisit pas son film. On
ne choisit pas non plus si on veut voir un film tout simplement. Ceux
qui veulent dormir ont donc également la luminosité. Il n’y a pas
de distribution de casque, on entend le son par les enceintes. Ceux
qui veulent dormir aussi. Etant en Equateur, c’est en espagnol non
sous-titré. Normal. Pour nous, c’est un bon moyen pour apprendre
la langue. D’autant que, vu les films diffusés, les textes ne sont
pas très élaborés.
Les films, nous y
venons. Pour le moment nous avons vu trois films dans les bus, c’est
un peu maigre pour une bonne statistique. Cependant, on ne peut pas
dire que c’était des films pour les tout petits mais plutôt des
films d’action. Donc, il y a des films et il fait dire aux enfants
de ne pas regarder le grand écran qui est juste en face d’eux.
Facile.
N’ayant pas la
télévision à la maison et n’allant pas voir ce type de films au
cinéma, je me dis que c’est plutôt bien même si évidement je ne
veut pas l’avouer. Ils doivent bien s’amuser ceux qui font ce
type de films quand même. Ils doivent faire des concours du scénario
le plus consternant. Et les personnages ce sont des gens qui
n’existent pas dans la vraie vie. Les hommes sont super musclés,
malins, marrants,… Ils font preuve d’une résilience à toute
épreuve : bagarres, coups de feux, explosions, chutes,… Et
les femmes sont extrêmement belles, hyper sexy, intelligentes et
également très fortes. Et entre eux ils ont des techniques de
séduction extrêmement efficaces. Je pense qu’il s’agit de bons
modèles pour nos enfants et on devrait leur diffuser ce type de
films plus souvent.
Il y a aussi des
trajets ou le film ne marche pas. On est un peu frustré, sans
l’avouer non plus.
Contrairement aux
autres bus, il est interdit d’y manger et il n’y a pas de
vendeurs ambulants. Il faut donc braver les interdits et manger en
cachette. Avec les enfants, c’est amusant.
Il y a des toilettes
dans le bus. Sur un des trajets, seules les femmes pouvaient y aller.
Sur un autre les toilettes étaient fermées. Il fallait en fait
demander la clé à l’assistant du chauffeur. Cela personne ne le
dit aux touristes et on le découvre lorsque quelqu’un demande à
ce qu’on lui ouvre la porte. On emboîte le pas et à ce moment
l’envie est forcément pressante. Il faut enjamber les gens qui
dorment par terre et ceux qui dorment de travers comme nous l’avons
vu. Les toilettes sont à l’arrière du bus, là où cela bouge le
plus. Dans les routes andines, ce n’est pas facile. L’avion ou le
TGV c’est de la rigolade à côté.
Au cours d’un
voyage au Mexique en 1991, ayant la tourista, nous avions
expressément réservé avec mon ami Jérôme, un bus avec toilettes.
Elles étaient en fait fermées. Ensuite, à cause d’une
inondation, nous avons eu un accident. Le bus s’est couché dans un
fossé. Nous nous sommes retrouvés seuls sur le bord de la route au
milieu de nulle part. Toujours avec la tourista. Mais c’est une
autre histoire.
Il est également
possible de descendre aux arrêts. On ne sait jamais où ils se
trouvent et combien de temps ils durent. Il faut trouver les
toilettes qui sont payantes dans les gares routières. Ce n’est pas
cher, mais oublier son porte monnaie ou ne pas avoir d’argent
représente un fâcheux contre-temps. Il est donc possible que le bus
reparte seul. C’est arrivé, parait-il, à d’autres. Ça aussi,
c’est une autre histoire.
Dernière solution,
se soulager à l’arrière du bus et guêter le retour du chauffeur
pour qu’il ne nous surprenne pas à souiller son bus d’une part
et d’autre part qu’il ne reparte pas sans nous. Ce choix ne fait
que rajouter à l’atmosphère glauque des arrêts nocturnes.
Aux arrêts de nuit,
il faut également se méfier que les bagages sur le toit ou dans les
soutes ne disparaissent pas. Il faut donc soit les garder en cabine
avec soi si il ne sont pas trop gros, ceci ne contribuant pas au
confort ; soit penser à les surveiller à chaque arrêt, ceci
ne contribuant pas à la détente.
A vélo nous pouvons
physiquement percevoir l’inclinaison des côtes.
Une côte raide est
logiquement une bonne descente pour les camions et bus qui arrivent
en face. Nous avions remarqué qu’à la descente, ils font
fréquemment un « pchittt » très fort. Cela doit avoir
un rapport avec le freinage mais nous ne nous étions pas vraiment
intéressés au sujet.
De nuit, on ne voit
pas le paysage, si ce n’est des phares croisés, des lumières qui
changent sans cesse et brusquement d’orientation. Il y a aussi le
ballottement dans le siège, le bus qui penche avec les amortisseurs
qui craquent. Les feux rouges puissants mais le chauffeur qui ne se
croit pas concerné. Enfin, ces « pchittt » incessants.
C’est sûr, le bus roule à toute vitesse. Ce n’est pas forcément
très rassurant, nous avons vu les routes de jour. Le ravin
vertigineux est souvent proche, le bord est parsemé de petites
croix, surtout dans les virages. La route est parfois même
effondrée.
A l’arrivée au
terminal, le jour se lève à peine. La ville n’est pas toute
proche, il faut y aller en mototaxi. C’est une sorte de scooter à
trois roues avec une banquette et une de cabine en toile colorée.
Cet engin improbable serait amusant si nous ne roulions pas sur des
pistes défoncées au milieu des camions.
Voilà, nous sommes
enfin arrivés à Puerto Lopez.
L’Océan Pacifique
est grand et paisible. L’eau est cristalline. Les pélicans et les
frégates ne se comptent plus. Les petits désagréments sont déjà
oubliés. Évidemment ça en vaut la peine !
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