dimanche 26 novembre 2017

PETITES PENSÉES EN VOYAGE


La rose n’est jamais sans épine
Proverbe Kurde

Florissante serait l’adjectif le plus adapté pour cette activité agricole. Aux alentours de Quito la culture de roses a pris le pas sur les autres productions. Les serres occupent désormais une large partie du paysage.



En 2015 étaient répertoriées environ 600 fermes floricoles s’étirant sur 4 000 hectares. Elles employaient près de 100 000 personnes, soit 85 % de la population locale.

La quasi totalité de la production, soit largement plus d’une centaine de milliers de tonnes, est destinée à l’export. Les chiffres diffèrent selon les sources. Cependant, la production de roses s’élève à plus de 711 millions d’euros. Représentant en valeur 10 % des exports non pétroliers, la rose arrive au troisième rang après la banane (7,5 millions de tonnes) et la crevette (39 mille tonnes). Mais avant le café (3,9 mille tonnes) et le cacao (240 mille tonnes) alors que le pays est un des plus gros producteurs mondiaux.

Marthita est ingénieure agronome et travaille à Latacunga pour l’exploitation floricole de Floranation. Elle et son mari Miguel nous y ont invités pour une visite.


Dans la Sierra, les exploitations agricoles bovines sont souvent et malheureusement envahies de déchets. Ici, nous sommes agréablement surpris par les abords accueillants et entretenus.
La production est dictée par les grandes dates. Ainsi, en prévision de la Saint Valentin, la culture est massivement orientée vers les roses rouges. Notre visite est rythmée par la description de la production. Tout est réfléchi : l’eau pompée dans la rivière en respectant son niveau, l’atmosphère des serres, la gestion des produits phytosanitaires par informatique, le traitement des déchets verts,….
Cette maîtrise technique est cohérente avec la réussite économique de la production.





Les employés sont majoritairement des femmes, plus minutieuses. Miguel insiste sur la qualité des conditions de travail : respect des heures, suivi médical, repas à la cantine de l’exploitation,… Je n’ai pas le détail mais dans les fermes floricoles les salaires peuvent atteindre le double du salaire minimum. Les employés restent ici des années tandis qu’ailleurs ils ne font souvent qu’une saison. Et en cas de démission d’un salarié, sa famille se presse de présenter un nouveau candidat.
Miguel précise que les conditions de travail sont loin d’être aussi bonnes ailleurs.



Les conditions peuvent être, effectivement, très difficiles. C’est un travail manuel, avec des périodes intenses, dans l’ambiance des serres pour un salaire pas toujours en adéquation. Et il n’y a pas forcément d’alternative d'emploi puisque la floriculture est ici l’activité principale.
Dans cette production, les inégalités sociales existent aussi. Un proverbe français dit « Le chemin de la fortune est parsemé de fleurs et d’épines ». Le partage n’est cependant pas équilibré.

La plus sournoise des épines est forcément cachée. L’utilisation de grandes quantités de produits phytosanitaires, l’atmosphère confinée des serres et l’absence de protection individuelle seraient à l’origine de nombreux maux. Cancers, affections congénitales, troubles neurologiques,… Les employés n’ont pas toujours conscience de ce danger invisible et le lien de cause à effet est difficile à démontrer. Mais les médecins s’insurgent et la population prend conscience.

Alors que faire ? Les syndicats ont ici un rôle majeur pour la protection des employés. A l’autre bout de la chaîne, les consommateurs ont une responsabilité. Il existe ainsi différents labels : Max Havelaar/Fairtrade, Flower label program, Florecuador,… qui peuvent orienter les achats. Reste à vérifier la source de ces labels, leur cahier des charges, si les exploitations les respectent, quels organismes réalisent les vérifications,…
Cependant, je doute que l’amoureux transi ait cette prise de conscience lorsqu’il achète un bouquet de roses pour l’objet de son cœur.
Floranation a les labels suivants Carbonocero, CYD & Smart Planet, Rainforest Alliance, Business Alliance for Secure Commerce. Il est également possible de lire dans les locaux de l’exploitation des affichettes pour la protection sociale.
Gardons espoir.


Les fleurs inondent donc le marché mondial. Des millions de tonnes. Ces fleurs peuvent abriter des insectes. Qui eux même peuvent être vecteurs de maladies.
Parmi les maladies émergentes observées dans le monde, citons deux exemples en France. La Fièvre Catarrhale Ovine (FCO) est arrivé en 2006 depuis les Pays-Bas. Le virus de Schmallenberg (SBV) qui touche les ruminants, a été découvert en 2011 dans cette ville. Ces virus sont portés par des insectes, des culicoides. Ni la répartition de la FCO, ni la biologie de culicoides et l’absence de cas pourtant très caractéristiques de forme congénitale de SBV ne pouvaient laisser craindre l’apparition de ces épidémies depuis le nord de l’Europe.
En particulier depuis la région de Maastricht. Cette ville est la plaque tournante du commerce international de fleurs. L’introduction de ces maladies virales par le commerce de fleurs porteuses d’insectes vecteurs est une hypothèse sérieusement soutenue par les épidémiologistes.

Bienvenue dans le village mondial.





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