PETITES PENSÉES
EN VOYAGE
Retour de pêche
Puerto Lopez. Le
rendez-vous est donné par la marée haute. Sur le haut de la plage,
on prépare les étales et les cuisines, les marchands ambulants
s’installent. Toutes sortes de véhicules, du camion au tricycle,
s’approchent de l’eau. Ils attendent.
En face, on
distingue d’abord les pélicans et les frégates. Ils accompagnent
les bateaux qui reviennent de la pêche. Des coques de bois à peine
plus grosses qu’une barque pour les plus petits et d’une dizaine
de mètres pour les plus gros. Ils s’échouent, l’étrave face à
la vague.
Les pêcheurs
débarquent leurs prises, l’activité commence.
Certains poissons
sont immédiatement exposés sur les étales. C’est l’occasion de
découvrir les superbes habitants de cette côte : dorades
coryphènes, pagres, rascasses,… Ceux-ci sont destinés au marché
local.
Les marchands
ambulants proposent boisson et nourriture à tous ces travailleurs.
Mais, plus haut, on commence déjà à préparer le poisson frais
pour les cantines.
Des caisses de
poissons, de calmars et des grosses prises passent d’une main à
l’autre. Les dollars suivent le chemin inverse. Ces ventes se font
partout, de la poupe des bateaux aux étales et aux portes des
camions. Ces camions vont beaucoup plus loin. On me parle de
Guayaquil. Alors les ventes se font aussi par téléphone.
Se concentrent ici
frénétiquement un port de pêche, une criée, des poissonneries et
des restaurants.
Les grosses prises
sont alignées sur le sable : espadons et marlins. Puissants,
une ligne parfaite. Certains de ces superbes animaux mesurent trois
mètres. On ne peut s’empêcher de penser au « Vieil homme
et la mer » d’Hemingway. D’ailleurs la première
traduction française parlait d’espadon, alors qu’il s’agissait
d’un marlin. Cette confusion laisse planer un doute sur les bêtes
que l’on regarde. Il faut bien observer rostre et nageoires.
Un homme me sort des
mes considérations littéraires et zoologiques. Avec son insigne du
port sur le polo, je comprends qu’il est responsable de la
préparation. Il coupe d’un geste méthodique et précis tout ce
qui dépasse du poisson. Rostre et nageoires que j’observais
attentivement jusqu’alors. Puis il le vide.
Tout ce qui n’est
pas consommable sera transformé en farine pour l’alimentation
animale.
D’autres restes
sont consommés directement par d’autres animaux.
Dans les livres et
dans la réalité, il semble que le poisson ne gagne pas. Il ne reste
rien du superbe animal, seul son sang retourne à la mer.
Pour différentes
raisons on peut, comme moi, ne pas manger de viande et préférer du
poisson. Après cette scène, le doute s’installe.
Le système de pesée
est fixé. Les hommes se pressent. On emmène le corps du poisson. Un
des pêcheurs me dit qu’il estime le poids à 240 livres et qu’il
en espère 600 dollars. Soit 109 kilos et 510 euros. 4,70 euros du
kilo, ce n’est pas cher.
Puisque nous sommes
dans les chiffres, voici ceux de 2016 en Equateur : le salaire
mensuel minimum brut était de 366 dollars, soit 371 euros, le
deuxième plus élevé en Amérique du Sud. Le salaire mensuel moyen
brut était de 433 dollars, soit 371 euros.
Ce pêcheur espère
600 dollars de son poisson.
Même s’il y a
d’autres prises, il n’est pas tout seul à l’avoir pêché. Ils
sont plusieurs à bord. Un bateau coûte cher. Les pêcheurs peuvent
partir plusieurs jours en mer et passent des nuits au large dans
leurs petites embarcations. Nous l’avons vu en navigant vers Isla
de la Plata, l’Océan Pacifique peut être très agité, c’est
très dangereux.
On peut comprendre
que notre pêcheur soit content de sa prise.
Selon l’UICN, le
statut de l’espadon en « préoccupation mineure »,
n’est pas trop alarmant. Alors, nous pouvons également être
contents pour le pêcheur.
Mais en discutant à
Puerto Lopez, on me dit que le métier de pêcheur est difficile,
qu’ils ne gagnent pas tant d’argent et qu’il y a de moins en
moins de poissons. Il est vrai que sur le trajet de Isla de la Plata
nous avons vu au large des bateaux usines...
Nous apprendrons
qu’un bateau de pêche illégal a été pris aux Galapagos
récemment.
Enfin, Il semble que
c’est la pêche sportive qui aurait le plus d’impact sur les
stocks. Des touristes aisés payent pour cette activité et les
recettes ne sont probablement pas réparties équitablement. Il faut
de l’argent pour investir dans une agence, un bateau, le salaire du
pilote et de l’accompagnateur.
Les problèmes
semblent être les mêmes dans toutes les mers du monde...
En pratiquant la
plongée et l’ornithologie à Isla de a Plata, activités que je me
permettrais de juger a priori moins invasives, l’espoir
revient.
Nous pouvons
observer de nombreuses tortues. Le danger qui les menace vient plutôt
des sacs en plastique, nous y reviendrons dans une autre note. Un
point discutable : les guides les attirent avec de la nourriture
pour satisfaire les touristes. Alors qu’il suffit de palmer un peu
pour les trouver.
Les fous à pieds
bleus, situés en haut de la chaîne alimentaire, sont de bons
indicateurs biologiques. Il faut éviter de les déranger pendant la
reproduction. Mais ils sont tellement nombreux qu’ils nichent
jusque sur les chemins. Vu le nombre d’œufs et la croissance des
poussins, on comprend que pour eux la pêche est bonne !
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