PETITES PENSÉES
EN VOYAGE
Salut mon pote
Les rencontres, bien
qu’un des objectifs du voyage, sont toujours inattendues. C’est
le hasard qui place sur notre route un autre cycliste avec son vélo
chargé de sacoches. Cette similitude évidente force l’arrêt et
la conversation s’engage immédiatement.
Les projets sont
différents mais reposent tous sur la même étrange idée de
parcourir un bout du monde avec la petite reine. C’est parfois un
des seuls points communs. Nous n’avons pas forcément la même
nationalité, le même âge, la même profession,…
Qu’importe !
Nous décidons de faire un bout de route ensemble. Parce que tout
simplement nous devions prendre la même. Mais surtout pour se
motiver, se rassurer, s’aider, se tenir compagnie,… et parce que
les premiers contacts ont été bons.
Nous partageons
ensemble des moments très forts. Ce sont les découvertes, les
rencontres, l’aventure. Ce sont aussi les épreuves. Aussi, les
sentiments sont également très forts. Il n’y a pas de place pour
la comédie ou les faux-semblants. Ce n’est pas une relation
virtuelle. L’extase se lit dans le regard de l’autre. La
béatitude se voit sur son sourire. Inversement, celui qui est
épuisé, qui a mal ou qui est inquiet ne pourra pas le cacher bien
longtemps.
Les masques sont
donc tombés. Et sur la route et au bivouac on a le temps de parler.
Avec la confiance installée, on apprend mieux à se connaître.
L’autre est devenu un ami. A vélo, la route est un réseau social.
Avec tout mon respect M. Zuckerberg, mes amis de voyage sont bien
réels, nous ne sommes pas sur Facebook.
Les grands voyageurs
sont souvent considérés comme des électrons libres. Alors, les
lois de la physique quantique s’appliquent peut-être aussi aux
relations humaines. Selon le principe d’exclusion de Pauli (1925),
le nombre d’électrons par couche atomique est limité. Et les
grands voyageurs ne peuvent pas rester indéfiniment ensemble.
Entendons nous, il
n’y a ni mésentente, ni ressenti. Les projets étaient différents
ou le deviennent. Les routes se séparent. Notre ami colombien
William est parti en disant avec son accent qui faisait tellement
rire les enfants : « Salut mon pote ».
Bien sûr, nous
restons en contact. Bien sûr, on se recroisera peut être. Bien sûr,
l’autre est invité à la maison après le voyage. Il est vrai que
nous restons en contact, ne serait-ce que pour se donner des
informations. Nous avons aussi recroisé un cyclo. Pour ce qui est de
se revoir après, nous ne sommes pas encore rentrés de notre voyage.
Mais nous savons au
fond de nous-mêmes que cette petite histoire de la vie est
probablement finie. Nous gardons les beaux souvenirs de la rencontre.
Les enfants nous
questionnent: « Où est passé notre nouvel ami ? », « Quand allons
nous le revoir ? ». Et si ils commencent à comprendre :
« Pourquoi n’allons nous pas le revoir ? » Après
des réponses évasives prétextant les complexité du voyage, nous
sommes obligés de leur avouer que nous ne le reverrons pas. A chaque
réponse, les enfants demandent à nouveau pourquoi, cherchant à
comprendre le fond des choses. Nous sommes bien obligés de leur
répondre « C’est comme ça ! » ou « C’est
la vie ! ».
Après ces réponses,
les enfants n’insistent pas. Je ne pense pas qu’elles les
satisfassent mais plutôt qu’ils ne les comprennent pas. Rien
d’étonnant à cela, tant elles sont vides de sens. Moi non plus,
dans ma tête d’enfant qui réalise son rêve de voyage à vélo,
je ne les comprends pas.
Comme dans la
chanson de Bénabar Qu’est-ce que tu voulais que je lui dise ?
(album Reprise des négociations, 2005) devaient-ils
savoir « Toute la vérité, rien que la vérité ? ».
La tristesse de la séparation est à la hauteur de l’intensité de
la relation. Et ils en connaîtront d’autres.
Mes amis, merci pour
ces moments partagés. J’ai un pincement au cœur de vous voir
partir, mais je vous souhaite une bonne route.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire